Il
était une fois un garçon flamme qui brillait de mille feux. Tout était raison
pour lui de crépiter, de s’enflammer. La vie lui souriait. Il se réjouissait
d’un rien. Même les jours de pluie, il s’enthousiasmait encore tant et plus,
bien protégé sous son parapluie, penché pour écouter le plic-ploc musical des
gouttes de pluie. Sa collection de petits bonheurs était la plus importante
qu’on ait jamais vu.
Une
bonne journée pouvait le voir s’enflammer pas moins de 15 fois… Un battement
d’aile de papillon. Un reflet de lumière jouant à cache-cache dans le feuillage
du grand chêne…Le parfum d’après la pluie…une perle de rosée au matin qui
s’éclipse étincelante dans les premiers rayons du soleil. Ce garçon avait des
trésors dans sa collection, et les plus précieux étaient ceux des jours de
pluie. Ceux-là il les aimait tout particulièrement. C’est un peu étonnant pour
un enfant flamme d’aimer à ce point la pluie. Mais c’est comme cela. Des fois
dans la vie on aime passionnément ce qui est à l’opposé de nous. Flamme donc
aimait la pluie. Voilà, c'est dit.
Dès
que le plus petit nuage gris apparaissait à l’horizon, Flamme trépignait,
courrait de la fenêtre à la porte, impatient et fébrile. Un jour, après un gros
orage, Flamme se promenait dans le petit bois derrière la maison. De la terre
mouillée, montait une odeur délicieuse de champignons et de menthe verte.
Une grande flaque, presque une mare s’était formée au cœur de l’orage. Quelques
feuilles rousses flottaient sur l’eau verte de la flaque. Flamme fasciné
regardait comme hypnotisé le lent mouvement des feuilles sur l’eau.
Quand
tout à coup, la surface se rida, et deux grands yeux verts apparurent. Flamme
resta bouche bée. Un visage entier apparut lentement, d’une très grande beauté.
Les grands yeux verts en amande furent rapidement suivis d’un petit nez pointu
et piqueté de taches de rousseur, d’une bouche souriante, d’un menton pointu et
de très longs cheveux roux de l’exacte couleur des feuilles mortes qui l’instant
d’avant flottaient et occupaient toutes les pensées de Flamme.
Devant
Flamme ébahi, une jeune fille longue et fine, gracieuse émergea de la flaque
simplement vêtue d’une tunique blanche en dentelle.
Devant
l’air ébahi de Flamme, elle se mit à rire, d’un petit son fluté qui résonna
longtemps entre les arbres. Flamme se reprit, ferma la bouche et lui aussi se
mit à rire doucement en écho.
La
jeune fille se mit à parler :
« Bonjour
Flamme, cela fait bien longtemps que j’avais envie de te rencontrer… Depuis le
temps que je t’aperçois à travers le rideau des perles de pluie »
Flamme
surpris : « Comment tu connais mon nom ? Qui es-tu ? Je ne
t’ai jamais vu moi ! »
« Je
m’appelle Ondée, je suis la petite fille de la pluie, » lui répondit-elle.
Immédiatement,
ils se mirent à discuter à bâtons rompus. C'était comme s’ils s’étaient
toujours connus. Cette semaine-là, tous les jours, Flamme courrait à la flaque
d’eau bavarder à Ondée. Tout était pour eux sujet de conversation, tout était
passion, enflammement et joie.
Flamme
partageait avec Ondée sa collection de petits bonheurs, et Ondée lui racontait
les mille et un secrets de la pluie. Cette semaine-là fut exceptionnellement
belle. Du vent et un grand soleil illuminaient les journées, nettoyaient le
ciel. La température monta bien au-dessus des normales de la saison. On aurait
dit un dernier retour de l’été. Plus la semaine passait, plus la taille de la
flaque diminuait. Le dimanche, il ne resta plus de la grande mare qu’une simple
poche d’eau de la taille de deux petits pas. Ondée avait de plus en plus de mal
à sortir de l’eau pour rejoindre Flamme, et le dimanche seul son buste
émergeait encore. Flamme paniqué lui demanda s’ils allaient réussir à continuer
à se voir et à se parler. Tout d’abord, Ondée ne répondit rien. Elle le regarda
en silence, triste. Puis, elle murmura que c’était sans doute la dernière fois
qu’ils se parlaient, parce qu’à la prochaine pluie, elle ne savait pas encore
dans quelle flaque elle séjournerait. Elle voyageait avec la pluie, chaque séjour
ne durait que le temps que met l’eau à s’évaporer et à repartir par le prochain
nuage.
Des
larmes commencèrent à couler en crépitant sur le visage de Flamme.
« shushhhhhhhhhh
sushhhhhhhhhhh », souffla Ondée, « ne soies pas triste. Si tu le
veux, nous pouvons rester toujours ensemble, il suffit que tu m’embrasses de
tout ton cœur pour me rejoindre. »
Flamme
se pencha vers les grands yeux verts d’Ondée et embrassa délicatement ses
lèvres. Un grand crépitement se fit entendre, comme de l’eau qui tombe dans le
feu. Ce jour-là, il y eut une longue fumée sombre qui s’attarda longuement aux
branches des arbres.
Depuis, personne ne les a plus jamais revu. Mais il
paraît que de temps en temps, à la surface des flaques d’eau remontent des
petites bulles lumineuses, comme des lucioles de pluie…