Sunday 16 December 2012

Le froufrou.















avec une photographie de Fred Raveleau

Il était une fois un petit garçon, appelé Milo, qui ne se souvenait plus de sa maman.

Depuis longtemps, elle avait disparu. Son père lui avait dit qu’elle était partie très loin, dans un ces endroits dont on ne revient pas. L’enfant avait attendu, longtemps, mais jamais il ne l’avait revue, jamais elle n’était revenue.

A chaque jour qui passait, son souvenir s’échappait un peu plus loin. Son sourire s’estompait dans la brume. La couleur de ses yeux se délavait d’eau grise. Le tintement de clochette de son rire se noyait lentement dans les bruits du monde. Le petit garçon redoutait le moment où elle redeviendrait une simple ombre parmi les ombres, un petit fantôme couleur muraille.

Milo tous les soirs avant de s’endormir passait en revue, avec précaution et délicatesse tous les menus détails qui la définissaient si bien : 
Un, la fossette au coin de la joue gauche quand elle riait, 
Deux, la pépite dorée qui éclairait ses jolis yeux bleus,
Trois, les taches de rousseur en forme d’étoiles sur son petit nez retroussé,
Quatre, la petite cicatrice blanche en trait d’union au menton si rond,
Cinq, la douceur de ses mains aux doigts tellement longs,
Six, un parfum de rose et jasmin délicat qui poudrait chacun de ses passages,
Et Sept, le bruit en cascade de ses baisers, doux papillons du soir.

Tous les soirs, Milo se souvenait.
Tous les soirs, Milo comptait jusqu’à 7 avec ferveur, comme une prière.
Mais quand arriva le jour de ses 6 ans, il ne put alors compter que jusqu’à 6. Milo se creusa la tête, se frotta les yeux, pleura même de rage et de chagrin, mais le septième souvenir ne revint pas. Deux mois plus tard, c’était le sixième qui à son tour s’effaçait.

Lentement, mois après mois, chacun des souvenirs, un à un prirent la poudre d’escampette. Milo à 8 ans resta complètement seul, sans rien pour lui rappeler l’absente tant aimée. Images, sons et parfums s’étaient envolés.

Milo était triste.
(...)