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Thursday, 28 February 2013

Les enfants de la pluie




Il était une fois un garçon flamme qui brillait de mille feux. Tout était raison pour lui de crépiter, de s’enflammer. La vie lui souriait. Il se réjouissait d’un rien. Même les jours de pluie, il s’enthousiasmait encore tant et plus, bien protégé sous son parapluie, penché pour écouter le plic-ploc musical des gouttes de pluie. Sa collection de petits bonheurs était la plus importante qu’on ait jamais vu.

Une bonne journée pouvait le voir s’enflammer pas moins de 15 fois… Un battement d’aile de papillon. Un reflet de lumière jouant à cache-cache dans le feuillage du grand chêne…Le parfum d’après la pluie…une perle de rosée au matin qui s’éclipse étincelante dans les premiers rayons du soleil. Ce garçon avait des trésors dans sa collection, et les plus précieux étaient ceux des jours de pluie. Ceux-là il les aimait tout particulièrement. C’est un peu étonnant pour un enfant flamme d’aimer à ce point la pluie. Mais c’est comme cela. Des fois dans la vie on aime passionnément ce qui est à l’opposé de nous. Flamme donc aimait la pluie. Voilà, c'est dit.

Dès que le plus petit nuage gris apparaissait à l’horizon, Flamme trépignait, courrait de la fenêtre à la porte, impatient et fébrile. Un jour, après un gros orage, Flamme se promenait dans le petit bois derrière la maison. De la terre mouillée, montait une odeur délicieuse de champignons et de menthe verte.  Une grande flaque, presque une mare s’était formée au cœur de l’orage. Quelques feuilles rousses flottaient sur l’eau verte de la flaque. Flamme fasciné regardait comme hypnotisé le lent mouvement des feuilles sur l’eau.

Quand tout à coup, la surface se rida, et deux grands yeux verts apparurent. Flamme resta bouche bée. Un visage entier apparut lentement, d’une très grande beauté. Les grands yeux verts en amande furent rapidement suivis d’un petit nez pointu et piqueté de taches de rousseur, d’une bouche souriante, d’un menton pointu et de très longs cheveux roux de l’exacte couleur des feuilles mortes qui l’instant d’avant flottaient et occupaient toutes les pensées de Flamme.

Devant Flamme ébahi, une jeune fille longue et fine, gracieuse émergea de la flaque simplement vêtue d’une tunique blanche en dentelle.
Devant l’air ébahi de Flamme, elle se mit à rire, d’un petit son fluté qui résonna longtemps entre les arbres. Flamme se reprit, ferma la bouche et lui aussi se mit à rire doucement en écho.

La jeune fille se mit à parler :
« Bonjour Flamme, cela fait bien longtemps que j’avais envie de te rencontrer… Depuis le temps que je t’aperçois à travers le rideau des perles de pluie »
Flamme surpris : « Comment tu connais mon nom ? Qui es-tu ? Je ne t’ai jamais vu moi ! »
« Je m’appelle Ondée, je suis la petite fille de la pluie, » lui répondit-elle.
Immédiatement, ils se mirent à discuter à bâtons rompus. C'était comme s’ils s’étaient toujours connus. Cette semaine-là, tous les jours, Flamme courrait à la flaque d’eau bavarder à Ondée. Tout était pour eux sujet de conversation, tout était passion, enflammement et joie.

Flamme partageait avec Ondée sa collection de petits bonheurs, et Ondée lui racontait les mille et un secrets de la pluie. Cette semaine-là fut exceptionnellement belle. Du vent et un grand soleil illuminaient les journées, nettoyaient le ciel. La température monta bien au-dessus des normales de la saison. On aurait dit un dernier retour de l’été. Plus la semaine passait, plus la taille de la flaque diminuait. Le dimanche, il ne resta plus de la grande mare qu’une simple poche d’eau de la taille de deux petits pas. Ondée avait de plus en plus de mal à sortir de l’eau pour rejoindre Flamme, et le dimanche seul son buste émergeait encore. Flamme paniqué lui demanda s’ils allaient réussir à continuer à se voir et à se parler. Tout d’abord, Ondée ne répondit rien. Elle le regarda en silence, triste. Puis, elle murmura que c’était sans doute la dernière fois qu’ils se parlaient, parce qu’à la prochaine pluie, elle ne savait pas encore dans quelle flaque elle séjournerait. Elle voyageait avec la pluie, chaque séjour ne durait que le temps que met l’eau à s’évaporer et à repartir par le prochain nuage.

Des larmes commencèrent à couler en crépitant sur le visage de Flamme.
« shushhhhhhhhhh sushhhhhhhhhhh », souffla Ondée, « ne soies pas triste. Si tu le veux, nous pouvons rester toujours ensemble, il suffit que tu m’embrasses de tout ton cœur pour me rejoindre. »

Flamme se pencha vers les grands yeux verts d’Ondée et embrassa délicatement ses lèvres. Un grand crépitement se fit entendre, comme de l’eau qui tombe dans le feu. Ce jour-là, il y eut une longue fumée sombre qui s’attarda longuement aux branches des arbres.

Depuis, personne ne les a plus jamais revu. Mais il paraît que de temps en temps, à la surface des flaques d’eau remontent des petites bulles lumineuses, comme des lucioles de pluie…

Sunday, 16 December 2012

Le froufrou.















avec une photographie de Fred Raveleau

Il était une fois un petit garçon, appelé Milo, qui ne se souvenait plus de sa maman.

Depuis longtemps, elle avait disparu. Son père lui avait dit qu’elle était partie très loin, dans un ces endroits dont on ne revient pas. L’enfant avait attendu, longtemps, mais jamais il ne l’avait revue, jamais elle n’était revenue.

A chaque jour qui passait, son souvenir s’échappait un peu plus loin. Son sourire s’estompait dans la brume. La couleur de ses yeux se délavait d’eau grise. Le tintement de clochette de son rire se noyait lentement dans les bruits du monde. Le petit garçon redoutait le moment où elle redeviendrait une simple ombre parmi les ombres, un petit fantôme couleur muraille.

Milo tous les soirs avant de s’endormir passait en revue, avec précaution et délicatesse tous les menus détails qui la définissaient si bien : 
Un, la fossette au coin de la joue gauche quand elle riait, 
Deux, la pépite dorée qui éclairait ses jolis yeux bleus,
Trois, les taches de rousseur en forme d’étoiles sur son petit nez retroussé,
Quatre, la petite cicatrice blanche en trait d’union au menton si rond,
Cinq, la douceur de ses mains aux doigts tellement longs,
Six, un parfum de rose et jasmin délicat qui poudrait chacun de ses passages,
Et Sept, le bruit en cascade de ses baisers, doux papillons du soir.

Tous les soirs, Milo se souvenait.
Tous les soirs, Milo comptait jusqu’à 7 avec ferveur, comme une prière.
Mais quand arriva le jour de ses 6 ans, il ne put alors compter que jusqu’à 6. Milo se creusa la tête, se frotta les yeux, pleura même de rage et de chagrin, mais le septième souvenir ne revint pas. Deux mois plus tard, c’était le sixième qui à son tour s’effaçait.

Lentement, mois après mois, chacun des souvenirs, un à un prirent la poudre d’escampette. Milo à 8 ans resta complètement seul, sans rien pour lui rappeler l’absente tant aimée. Images, sons et parfums s’étaient envolés.

Milo était triste.
(...)