Il existe deux sortes d’être humains.
Ceux pour qui le dimanche
soir est un soir comme les autres.
Et les autres…
Ceux qui savent que le dimanche soir est un soir maudit, le
soir où la créature qui se tapit au fond de nous se décide à pointer le bout de
son nez. Le soir où elle montre sa patte griffue noire. Le soir où le cycle
précédent est terminé et en commence un autre, nouveau, diffèrent surement,
mais inquiétant sans le moindre doute. Le soir où l’angoisse se montre crâneuse
et arrogante, sure d’elle et de sa domination. C’est son soir à elle.
Le dimanche soir, alors, monte une onde sombre, une vague
triste et oppressante, comme un frémissement du cœur, un frisson léger sous la
peau, des larmes qui restent tapies au fond des glandes lacrymales pas très
loin de la surface, le ventre qui se resserre, se tend comme un coureur de fond
avant le feu du départ. Les doigts se font nerveux, il faut s’occuper à tout
prix, éviter de penser, éviter de ressentir, s’étourdir, vrombir de mille moteurs,
de mille feux, courir, de soirées en concerts, de bars en restaurants, pour
jouir et surtout oublier le temps qui passe et la fin de quelque chose, écho
triste d’une fin inexorable plus terrible encore, annoncée par ce damné
dimanche soir.
D’autres encore vont se cacher, se terrer dans leur
appartement, tranquillement affronter la bête en un tête à tête mortifère dont
on n’entrevoit jamais vraiment l’issue, et qui revient à chaque fin de semaine,
cycle qui se répète sans fin.
Je suis plutôt de celles qui choisissent l’affrontement
silencieux, tapie dans l’ombre de ma chambre, de mon salon, de ma cuisine,
prête à passer à l’attaque à chaque faiblesse de la bête, à chaque fois qu’elle
semble détourner la tête où baisser les bras. Et alors commence notre
enlacement funeste qui ne s’éteint seulement qu’aux premières lueurs de l’aube,
harassées, sans vainqueur ni vaincu, simplement en baissant toutes deux les
bras…Jusqu’au prochain dimanche soir…
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