Mais bien avant cela, leur première rencontre
ne laisse en rien présager une si heureuse issue. C’etait même plutot tout le
contraire qui se produit.
Rose rencontre Lucas sur la cour du lycée. Ils
se retrouvent l’un et l’autre de chaque coté d’un caillou lancé à pleine
vitesse. Coté lancement, Rose, des taches de rousseur qui pétillent le long
d’un nez pointu, des boucles rousses auréolant son visage. Coté caillou pointu,
Lucas, un grand brun ténébreux, avec des yeux verts piquetés de poissons
rouges.
Entre eux et pour de nombreux mois, c’est la
détestation spontannée. Depuis le premier jour de la rentrée des classes, Rose
n’aime pas l’attitude hautaine de Lucas. Il prend tout le monde de haut et se la
joue petit caid des banlieux et ca, ca irrite prodigieusement Rose. Rapidement
une petite cour servile s’est rassemblée autour de lui. Deux filles et un
garcon le suivent partout, applaudissent la moindre de ses bassesses, rigolent
en cœur à chacun de ses ricanements. Rose n’aime pas du tout ca. Elle prends
toujours la défense des plus faibles, et ne supporte pas les petits tyrans qui
s’en prennent à eux.
Le matin du caillou, Lucas sort le grand jeu.
Il commence par tacher le blouson de Marie pendant le cours de math. Il pousse
Lili au moment ou elle s’élance pour la course de haies, coule Joseph pendant
l’heure de natation. Au moment de la récréation, il s’en prend au petit Kevin.
C’est à ce moment-là que Rose intervient. Comme il ne repond pas à ses
ultimatums et continue à donner des coups de pieds à Kevin à terre, Rose
ramasse la première chose qui lui tombe sous la main : un bon gros caillon
bien pointu qu’elle lance de toutes ses forces après avoir hurlé le nom de
Lucas. Et Lucas se retourne. Et il prend le caillou en pleine figure. Du sang
gicle de la coupure, Lucas reste completement sonné, bouche bée.
Après ca, Rose a été exclu une semaine du
lycée. Lucas aussi. Une semaine de travaux d’intérêt général dans un centre
pour enfants handicapés.
Une semaine comme cela vous change une personne.
Rose et Lucas apprennent la chance que l’on a à naitre en bonne santé et avec
toutes ses capacités. Lucas lui change lentement de regard sur l’autre, sur les
différences. Il réalise que ce sont ces différences qui font de chaque personne
un être unique. Même quand ces différences sont aussi des handicaps. Cette
semaine change sa vision du monde. Il apprend aussi a pardonner à ses parents
son enfance de nomade, qui lui a enlevé la capacité à s’attacher, à se faire
des amis. D’un seul coup, c’est tout un fardeau de chagrin qui se soulève de
ses épaules.
Rose, elle pendant cette semaine-là apprend à
regarder Lucas différement.